La chute d’un géant : Evergrande, symbole de la crise immobilière chinoise

Le géant de l’immobilier chinois Evergrande, autrefois fleuron de l’économie nationale, sera officiellement radié de la Bourse de Hong Kong le 25 du mois courant. Cette décision marque la fin d’une ère pour le secteur de la promotion immobilière en Chine et symbolise une crise profonde qui ébranle toute l’économie du pays depuis maintenant quatre ans. Le liquidateur judiciaire, nommé par le tribunal, a confirmé le 12 que l’endettement de l’entreprise était bien plus colossal que prévu, rendant toute restructuration globale impossible. Les actionnaires risquent désormais une perte totale de leur investissement, tandis que les créanciers s’engagent dans une course pour récupérer une partie de leurs fonds.
D’une ascension fulgurante à une faillite retentissante
Fondé en 1996 à Guangzhou, dans la province du Guangdong, Evergrande a connu une croissance spectaculaire grâce à un modèle économique audacieux surnommé les « trois élevés » : fort effet de levier, endettement massif et rotation rapide des capitaux. Cette stratégie agressive a permis au groupe de se hisser au sommet, devenant le plus grand promoteur immobilier de Chine en termes de ventes. Introduit à la Bourse de Hong Kong en 2009, le groupe affichait alors la plus grande capitalisation boursière pour une société immobilière privée chinoise. À son apogée en 2017, sa valeur boursière dépassait les 50 milliards de dollars américains. Son fondateur, Xu Jiayin, est même devenu le deuxième homme le plus riche d’Asie, diversifiant ses activités dans les véhicules électriques, les clubs de football, les parcs à thème et la finance.
Les « trois lignes rouges » : le début de la fin
Le modèle de croissance d’Evergrande, entièrement basé sur la dette, s’est heurté de plein fouet à la nouvelle politique réglementaire de Pékin en 2020. Inquiet de la bulle immobilière, le gouvernement chinois a mis en place une réglementation stricte, connue sous le nom des « trois lignes rouges », visant à limiter le ratio d’endettement des promoteurs. Cette mesure a coupé les lignes de financement d’Evergrande, provoquant une crise de liquidité qui a mené l’entreprise à déclarer un défaut de paiement en 2021 sur une dette de 260 millions de dollars, déclenchant un défaut croisé sur l’ensemble de ses obligations en dollars. Avec une dette actuelle s’élevant à 450 milliards de dollars, Evergrande est aujourd’hui l’entreprise la plus endettée au monde.
Une radiation inévitable et des conséquences systémiques
Après avoir accumulé des pertes astronomiques, les actions d’Evergrande et de ses filiales ont été suspendues de la cotation en mars 2022. Une brève reprise des échanges en août de l’année suivante a vu le titre chuter de près de 80 % en une seule journée, le transformant en « penny stock ». La Bourse de Hong Kong, conformément à ses règles, peut radier une société après 18 mois de suspension continue des échanges. N’ayant pas réussi à présenter un plan de restructuration viable ni à remplir les conditions de reprise de la cotation, la radiation a été décidée. La chute d’Evergrande, qui gérait près de 1300 projets dans 280 villes, a eu un effet domino, entraînant dans sa chute d’autres promoteurs comme Modern Land et Dasin China Holdings, et plongeant l’économie chinoise dans une récession dont elle peine encore à se remettre. Le fondateur du groupe, Xu Jiayin, est quant à lui détenu pour des accusations criminelles depuis deux ans.